ATHENS DIALOGUES :

L'honnêteté scientifique / Scientific Integrity

Ressorts des manquements à l’honnêteté scientifique et comment la communauté des chercheurs vise à s’en prémunir

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L’honnêteté scientifique / Scientific Integrity


Savoir vs. croire


1.1 
La distinction entre doxa (croyance, opinion) et épistèmè (savoir, connaissance) est aussi ancienne que la philosophie grecque (Platon : République 506c). Platon oppose aussi la croyance à la vérité (Platon : Timée 29c).En montrant qu’on ne peut pas prouver l’existence de Dieu (ni son inexistence), Emmanuel Kant [1] déclare avoir limité l’extension du savoir et, de ce fait, donné une place à la croyance (Kant 1987 : Préface). Ce qu’on sait , est ce qui a été établi et validé par des voies que chacun peut en principe contrôler (on sait que la terre est ronde). Ce qu’on croit est une opinion à laquelle on accorde du crédit, ou de la valeur ; on peut être prêt à s’engager pour ce qu’on croit, mais en reconnaissant que d’autres ont des croyances différentes (certains croient que Dieu existe, d’autres ne le croient pas). Cette distinction entre savoir et croire a une grande importance culturelle. Dans un pays démocratique chacun respecte les opinions des autres (c’est la vertu de tolérance) et entend qu’on respecte les siennes. D’une certaine façon, donc, toutes les opinions se valent, toutes sont respectables. Au contraire, dans la sphère scientifique, une fois établi que la terre tourne autour du soleil, l’opinion inverse (que le soleil tourne autour de la terre) est éliminée comme fausse ; la recherche scientifique opère un tri entre des hypothèses qui, à mesure que le travail avance, sont corroborées ou discréditées.

La recherche scientifique


2.1 
Le scientifique cherche la vérité , en ce sens qu’il veut savoir comment le monde est réellement. La vérité est ici communément conçue comme adéquation au réel (« L’affirmation ‘la neige est blanche’ est vraie, si et seulement si la neige est blanche », Tarski : 1933). Certes le scientifique ne possède pas toute la vérité d’un coup, mais il espère au moins progresser vers le vrai. D’où l’idée d’une « connaissance approchée » (Gaston Bachelard : 1928).

2.2 
On a longtemps cru que la connaissance scientifique est « apodictique », c’est-à-dire que les vérités scientifiques sont absolues, immuables, définitives, et que la science avance de façon continue, en « accumulant » des connaissances indiscutables. Il fallait pour cela croire que l’esprit humain (‘lumière naturelle’) est capable de concevoir les « premiers principes » sur lesquels le monde réel est construit, et que de ces principes, les caractéristiques du monde découlent comme les conclusions découlent logiquement des prémisses d’un raisonnement déductif. Cette croyance s’appuyait sur la confiance en un Dieu créateur du monde, qui ne pouvait être soupçonné ni d’avoir fait le monde n’importe comment, ni de vouloir nous induire en erreur quand nous cherchons à connaître son œuvre (c’est l’argumentation de René Descartes dans les Méditations métaphysiques ). Le « système du monde » pouvait ainsi se comprendre comme un système rationnel, dont les principes d’ordre nous étaient accessibles par l’intuition. On pouvait construire la science par morceaux, et les morceaux s’ajustaient comme ceux d’un puzzle. La mécanique classique est un bon paradigme de ce type de science. Et il faut avouer que l’idée que le travail scientifique consiste à deviner, et révéler, un ordre caché, exprimable par de simples équations mathématiques, est à l’origine de très grandes découvertes (ex.loi de Newton [2] ).

2.3 
Mais à partir du milieu du 19e siècle, la réflexion épistémologique a considérablement nuancé cette manière de voir. Antoine-A.Cournot (Cournot [3] , 1872 : III, 1 ; IV, 1), puis Thomas Kuhn (Kuhn, 1962), lancent la notion de « révolutions scientifiques » : la science avance de façon discontinue, et non pas linéaire. Les connaissances s’accumulent en période de « science normale », puis à l’occasion d’un « changement de paradigme » les connaissances accumulées sont réorganisées, et interprétées autrement au sein d’un nouveau contexte intellectuel (la loi de Newton n’est pas rendue fausse par la réflexion d’Einstein, mais sa portée est relativisée).

2.4 
Les vérités scientifiques apparaissent alors comme des hypothèses, qu’il s’agit de mettre à l’épreuve des faits (observation, raisonnement, expérimentation). Si elles ne résistent pas à la confrontation avec l’expérience, elles sont abandonnées. Mais qu’elles résistent à l’épreuve des faits ne suffit pas à les confirmer de façon définitive, parce que l’expérience est toujours limitée.Ainsi, on a reproché à des chercheurs en sciences cognitives d’avoir conclu « voilà comment fonctionne l’esprit humain (en général) », sur la base d’une expérimentation certes très soigneuse, mais conduite sur de jeunes étudiants exclusivement américains, blancs et de bonnes familles [4] , dont il n’est aucunement évident qu’ils sont représentatifs de l’espèce humaine entière, toutes cultures confondues. Karl Popper (1961) a beaucoup insisté sur le caractère tentatif, et toujours provisoire, des acquis scientifiques, qui demeurent hypothétiques, et grevés d’une marge d’incertitude, même quand ils sont étayés et confirmés par des travaux de recherche nombreux et bien conduits.

2.5 
En somme, à la notion (statique) d’une vérité qui correspond au plan divin, a succédé celle (évolutionniste) d’une vérité qui survit à l’épreuve de la confrontation avec le réel. Le public cultivé a parfois interprété les avertissements popperiens comme signifiant que les idées scientifiques sont des idées comme les autres (de simples opinions), qu’on n’est pas obligé de les croire, et que tout se vaut. Il est exact que dans des domaines émergents, qui sont à la pointe de la recherche, il est parfois difficile de tracer la frontière entre hypothèses scientifiques sérieuses (bien qu’audacieuses) et fanfaronnades mensongères.Ainsi les progrès de la recherche sur les cellules souches humaines font prospérer sur le web des publicités en faveur de thérapies régénératives miraculeuses, qui drainent un tourisme médical crédule, alors que les techniques correctement validées sont encore très rares [5] . Mais les affirmations de scientifiques sérieux sont en général plus fiables que celles des charlatans, ce qui veut dire qu’elles sont plus proches de la réalité. Le tout est alors de préciser ce qu’est un scientifique sérieux.

La responsabilité du chercheur et l’éthique de la connaissance


3.1 
Le choix de chercher le vrai est un choix éthique . C’est ce que soulignait Jacques Monod (1970 : ch. 9), en disant que le principe de réalité (ou postulat d’objectivité ) sur lequel repose la science établit une norme de connaissance. Admettre comme vérité ce qui est conforme à la réalité impose qu’on regarde honnêtement les faits, et qu’on s’incline humblement s’ils sont en désaccord avec l’hypothèse avancée. Cette éthique de la connaissance est consubstantielle à la recherche scientifique. Le bon chercheur est exigeant sur la qualité du travail fait pour tester ses hypothèses, il est conscient de ne plus chercher le vrai s’il abandonne cette exigence. L’honneur de la science est dans cette honnêteté. D’où l’apparent paradoxe de Popper : il n’est pas déshonorant de lancer une hypothèse fausse ou extravagante, car elle sera réfutée ; mais c’est un déshonneur de brandir une hypothèse non testable, parce que c’est se soustraire au jeu. Bref, un chercheur malhonnête n’est pas un vrai chercheur.

3.2 
Est-ce à dire qu’un chercheur ne ment jamais ? Les chercheurs ne sont pas des anges.Lorsqu’Isaac Newton écrit, en conclusion de la seconde édition des Principia Mathematica , qu’il ne sait pas pourquoi la force d’attraction est ce qu’elle est, et qu’il « ne fait pas d’hypothèse » à ce sujet (Newton, 1687 : General Scholium [6] ), il ne dit pas la vérité. On sait qu’en réalité, il ne s’est pas privé de faire des hypothèses. Mais elles étaient hors de propos dans les Principia .

3.3 
Les sociologues des sciences ont maintes fois argumenté que les chercheurs « fabriquent » les faits qu’ils invoquent à l’appui de leurs hypothèses (voir Latour : 1986), ou du moins qu’ils en « arrangent » l’allure, en triant les données ou en optimisant les courbes, pour mieux faire apparaître que les résultats empiriques confirment leur présupposé théorique. Même le grand sociologue Emile Durkheim, dit-on, lissait ses courbes ! Le soupçon que la notion de « résultat objectif » est une notion équivoque a un fondement dans l’épistémologie du 20 e siècle, à travers ce qu’on appelle la « thèse de Duhem-Quine ». Le physicien Pierre Duhem (1914 : II, ch. VI, § 2) avait fait remarquer qu’il est impossible, dans les sciences physiques, de tester une hypothèse isolée, parce que le dispositif expérimental servant à la tester est lié à un cadre théorique : donc les résultats attendus de l’expérience sont liés à ce cadre, et ne dérivent pas seulement de l’hypothèse avancée. William van Orman Quine (Quine : 1951) a généralisé cette affirmation à l’ensemble des sciences.

3.4 
Mais les faits sont « têtus », répondent les chercheurs, ils sont « récalcitrants » (Keller, 1992 : Intr.; Laudan, 1996).On ne saurait leur faire dire n’importe quoi [7] . Et la communauté scientifique prend des précautions pour se protéger contre le triomphe hâtif de thèses insuffisamment validées. Les travaux scientifiques, pour être pris au sérieux, doivent être publiés dans des revues à comité de lecture, donc après examen critique par des referees  ; ils doivent être assez explicites pour que tout autre chercheur puisse reproduire la démonstration, l’enquête ou l’expérience ; et un résultat n’est habituellement jugé crédible que s’il a été reproduit par une autre équipe indépendante de la première. Ainsi récemment une équipe allemande avait affirmé avoir obtenu des cellules souches humaines pluripotentes à partir de cellules testiculaires adultes (ce qui en principe posait moins de problèmes éthiques que de les obtenir à partir d’embryons humains, un point très ‘sensible’ en Allemagne).Plusieurs experts, à la lecture de leur article, ont jugé que la preuve de pluripotence n’est pas convaincante [8]  ; et l’équipe ayant refusé de fournir des échantillons de ses lignées, ce qui excluait toute vérification indépendante, le résultat n’est pas considéré comme acquis.

3.5 
Il peut y avoir individuellement des chercheurs maladroits ou négligents, mais la communauté scientifique dans son ensemble [9] veille à maintenir des standards élevés de recherche, de publication, et de contrôle par les pairs, qui assurent aux savoirs acquis une certaine robustesse, même si de nouvelles données amènent régulièrement à réviser ou réinterpréter des résultats précédemment validés.

Grands et petits manquements à l’éthique de la science


4.1 
Bien que cette morale de l’honnêteté, qui est une morale de l’honneur, soit officiellement reconnue comme leur par tous les savants, des cas retentissants de fraude scientifique ont été signalés au cours des années récentes [10] . Ils ont porté tort à l’image de la science dans le grand public. Le cas le plus fréquent est celui du mensonge qui rapporte : être payé pour faire un faux témoignage est une malhonnêteté banale. Plus glorieuse, et plus risquée, est l’annonce prématurée d’un résultat sensationnel, amplifié par le bruit médiatique, qui donne à son auteur en quête de célébrité une aura passagère : dans un univers compétitif comme celui de la recherche, où chacun rêve du prix Nobel, la tentation d’attirer sur soi l’intérêt est compréhensible, quoique naïve. Enfin, de grands chercheurs en perte d’influence ont pu être tentés de dénigrer injustement les travaux de concurrents plus jeunes : c’est le « syndrome du mandarin ». Souvent l’intérêt financier, la notoriété, le ressentiment, l’idéologie, sont intriqués. Prenons quelques exemples.

4.2 
Le conflit d’intérêts n’est pas rare en médecine, quand les investigateurs qui réalisent les tests cliniques d’un produit candidat à devenir un médicament sont payés pour ce travail par l’industrie pharmaceutique qui fournit le médicament. Le risque est alors que certains effets secondaires néfastes du médicament soient dissimulés ou minimisés par des chercheurs rendus dépendants des industriels. Ainsi un radiologue qui, dans le cadre de son métier, avait testé un nouveau produit de contraste ( Omniscan *), exposa ses résultats devant des confrères lors d’un congrès de professionnels à Oxford, disant que ce produit permettait d’obtenir de meilleures images, mais qu’il était toxique pour les insuffisants rénaux (il y avait eu un mort).La firme qui lui avait confié le produit l’attaqua en diffamation, une mesure propre à dissuader tout autre radiologue de signaler honnêtement les effets secondaires de produits à l’étude [11] . La situation est encore plus critique lorsque sont découverts les méfaits d’un produit d’usage courant, dont la vente fait vivre tout un secteur de l’économie, et que la population a appris à valoriser (amiante, tabac, chlorofluorocarbones, pesticides). La résistance au message scientifique encourage alors la lâcheté des experts, et la vérité de fait peut ne s’imposer que très lentement. On sait, par exemple, que la toxicité de la fumée du tabac fut longtemps niée ou contestée contre toute évidence par des experts statisticiens de renom, fumeurs eux-mêmes, et/ou rétribués par l’industrie du tabac, et que l’épidémie de cancers broncho-pulmonaires qui en résulte dure encore. Deux historiens des sciences (Oreskes & Conway : 2010) ont analysé un certain nombre de ces grands « obscurcissements de la vérité » qui furent l’une des plaies du 20 e siècle. Il en existe aussi de petits, qui perturbent la vie des éditeurs de travaux scientifiques ; l’un des plus connus concerne le diagnostic de la « psychopathie ». Qu’est-ce qu’un psychopathe ? Psychologues et psychiatres ont beaucoup peiné à définir cette affection, jusqu’à ce qu’un chercheur x propose un outil de détection ( psychopathy-checklist-revised , ou PCL-R) qui, bien utilisé, permettrait de prédire qu’un individu manifestera des comportements violents. Cet auteur a créé une structure qui enseigne le bon usage du test, et il en tire un profit. En 2006 deux autres chercheurs y et z soumirent au journal Psychological Assessment un papier qui critique cet outil. Après examen par des referees , ce papier fut accepté pour publication. Mais x fit pression auprès du journal et des auteurs pour que le papier ne soit pas publié. Le journal mollit, fit appel à de nouveaux referees , demanda des modifications de l’article. Les auteurs y et z acceptèrent de faire des corrections, x demanda un droit de réponse au cas où il y aurait publication. Les éditeurs du journal acceptèrent, semble-t-il, ces conditions, mais rien ne vint. En mai 2010 le International Journal of Forensic Mental Health intervint pour dire que ce blocage de publication entrave la recherche.En juin 2010 Science intervient à son tour [12] . Au moment où le présent article est rédigé, on attend toujours la parution. Pour être complet sur l’asservissement de la science à des intérêts jugés plus importants que la vérité factuelle, il faudrait mentionner ici les cas où des données scientifiques sont tues (mensonge par omission), ou distordues, pour servir une doctrine ou un système de pensée (génétique prolétarienne de Lyssenko, créationnisme, etc.).

4.3 
Plus divertissantes sont les histoires de résultats scientifiques étincelants, qui font la ‘une’ de la grande presse avant de s’évanouir dans le dérisoire. Elles flattent l’hybris du chercheur. Ainsi le journal Le Monde annonçait en première page, le 29 juin 1988, une découverte grandiose qui « pourrait bouleverser les fondements de la physique : la mémoire de l'eau ».Le lendemain paraissait dans Nature l’article scientifique, dont le titre était plus modeste et, pout tout dire, plus obscur : « Dégranulation de basophiles humains provoquée par de hautes dilutions d'antisérum anti-IgE [13]  ». Il est déjà suspect de laisser filtrer dans la presse grand public le contenu simplifié d’un article de recherche avant sa parution dans une revue scientifique. Le test utilisé pour valider l’hypothèse d’une « mémoire » de l’eau (« test de dégranulation des basophiles humains »), mis au point par Jacques Benveniste lui-même, le directeur de l’équipe, avait été refusé par l’Institut Pasteur au motif qu’il manquait de fiabilité. Le doute s’insinua. La revue Nature exigea une expérience de contrôle dont le résultat fut négatif, elle publia un démenti : « L'hypothèse selon laquelle l'eau garderait la mémoire d'une substance qu'on y a diluée est aussi inutile que fantaisiste [14]  ». Le chercheur maintint ses affirmations. Au-delà du fait qu’il était subventionné par le lobby de l’homéopathie, Benveniste avait émis une hypothèse fascinante (que l’eau puisse conserver la trace ‘en creux’ d’une substance qu’on y avait diluée, mais dont il ne restait plus un seul élément), ce qui peut rendre compte du fait que, en dépit de l’absence de preuve convaincante, la controverse s’éternisa (elle dure encore). Un autre exemple plus récent a secoué le petit monde de la recherche sur les cellules souches humaines. En 2004 la revue Science publiait un article phare : une équipe coréenne avait réussi à obtenir une cellule humaine pluripotente (donc, analogue à une cellule embryonnaire) par la technique du transfert de noyau (transfert dans un ovocyte énucléé du noyau d’une cellule adulte), et cette cellule s’était développée jusqu’au stade blastocyste. C’était plausible : on avait déjà réussi à cloner plusieurs mammifères. Mais c’était une première chez l’homme. En 2005 la même équipe, dans la même revue, faisait état d’un résultat encore plus excitant : par la technique du transfert de noyau, en utilisant des noyaux de cellules prélevées sur des personnes malades, on ouvrait la voie à des thérapies régénératives par greffes de cellules immunocompatibles avec le donneur du noyau - un rêve pour la médecine ! L’initiateur de ces recherches, un vétérinaire, le coréen Woo-suk Hwang, professeur à l’université nationale de Séoul, alors qualifié de « roi du clonage », lance en octobre 2005 avec des collègues anglais et américains un centre international de recherche : le World Stem Cell Hub , et le gouvernement coréen parle déjà de son possible prix Nobel.Cependant des rumeurs de fraude ont commencé à courir, et en janvier 2006 les deux articles sont publiquement rétractés dans le journal Science [15] . Tout est faux. Non seulement les ovocytes ont été prélevés dans des conditions douteuses, mais la seconde publication au moins repose sur des données entièrement fabriquées : les photos ont été truquées, les lignées de cellules souches n’ont pas le génome des prétendus donneurs, elles n’ont pas été obtenues par transfert de noyau. Woo-suk Hwang maintient qu’il possède la technique, suggérant que l’annonce prématurée du succès ne précédait que de peu le succès véritable.Mais suite à l’enquête menée en interne [16] , l’Université nationale de Séoul destitue Woo-suk Hwang de son poste de professeur en mars 2006.Ce chercheur probablement talentueux est retombé dans l’anonymat, et la technique qu’il prônait s’est trouvée rapidement marginalisée par la découverte d’une méthode directe de reprogrammation cellulaire [17] qui ne nécessite pas le transfert de noyau.

4.4 
Le syndrome du mandarin est classique et familier. Un bref exemple le suggère.Le Haut Comité français des célébrations nationales, qui chaque année propose une liste de grands événements à fêter, envisagea de mettre au programme pour 2009 la célébration du centenaire de l'établissement de la loi de l'excitabilité des cellules nerveuses par Louis Lapicque [18] , feu membre des Académies des sciences et de médecine, qui se distingua par ses travaux sur l’excitabilité de la « machine nerveuse » par le courant électrique. La rédaction d’un article d’hommage fut demandée à un neurophysiologiste de la génération suivante, qui refusa tout net, déclarant qu’un homme de pouvoir qui a paralysé pendant vingt ans la recherche française en neurosciences ne mérite pas cet hommage. En somme, tout grand savant qu’il ait été, Lapicque a laissé le souvenir cuisant d’un vieux mandarin autoritaire et borné, jaloux des performances de chercheurs plus jeunes, incapable de reconnaître la valeur de leurs travaux. La résistance de scientifiques âgés et puissants à admettre les dangers liés au tabac, aux pesticides, à l’amiante, et au réchauffement climatique, a récemment été interprétée dans le même sens conservateur : « It is a story of a group of once-capable scientists who were fuelled by corporate money, resentment and ideology to serve the fossil-fuel, chemical and tobacco industries. For decades, these players sowed public doubt and confusion to delay action on important issues facing mankind.In the case of climate change, their interventions have meant that we have squandered whatever margin for error we may once have had [19]  ». Tout résultat scientifique est grevé d’une marge d’incertitude, les climatologues le savent et en tiennent compte explicitement. Il n’est donc que trop facile de jeter le doute sur un résultat scientifique déplaisant, surtout quand le reconnaître impliquerait qu’on s’engage dans des actions correctrices elles-mêmes hasardeuses et coûteuses. Les cinglantes railleries, puissamment médiatisées, qui depuis 2007 se sont abattues sur les travaux du GIEC ont séduit à la fois le grand public (parce qu’elles étaient drôles) et les responsables politiques (parce qu’elles les autorisaient à ne rien faire). Si elles n’ont pas stoppé la recherche, parce que la qualité scientifique des travaux du GIEC [20] a été assez vite reconnue, elles ont paralysé l’action et justifié l’attentisme des politiques, peu enclins à mettre en route des mesures impopulaires, comme l’abandon de constructions érigées en bord de mer, ou coûteuses, comme la surélévation des digues, sans parler de l’impopularité d’une politique d’austérité dans la dépense énergétique.

La communauté scientifique sanctionne les fautes...


5.1 
La communauté scientifique sanctionne les fautes ... quand elles sont détectées, et reconnues comme fautes. Peut-on trouver des excuses aux chercheurs coréens de l’équipe Hwang, en arguant que la Corée avait beaucoup investi dans les nouvelles technologies, que la réussite était une question de fierté nationale, qu’une équipe d’un petit pays non-anglophone, désavantagée dans la compétition internationale par sa faible maîtrise de la langue anglaise, éprouve des difficultés à accéder à la publication de haut niveau, et que cette équipe a seulement anticipé en décrivant dans ses articles ce qu’elle se savait capable de réaliser ? En réalité la punition a été sévère et sans appel. Dès que coururent les rumeurs de fraude sur la récolte ( procurement ) des ovocytes, le Pr. Hwang lors d’une conférence de presse reconnut avoir menti et présenta des excuses publiques. Suite aux aveux (arrachés par des journalistes) d’un membre de l’équipe qui avait dupliqué les photos, et à la révélation par le directeur de la clinique gynécologique (fournisseur des ovocytes) que 9 des 11 lignées de cellules souches prétendument obtenues étaient fausses (par artifice photographique), trois enquêtes furent menées : une de l’Association asiatique de bioéthique, une de l’Université nationale de Séoul, une enquête judiciaire. La police saisit un grand nombre de documents. Les signataires des articles incriminés furent tenus pour solidaires. Ceux qui résidaient en Corée furent interdits de quitter le pays. Ceux qui étaient partis aux Etats-Unis furent rappelés et assignés à résidence. Les articles furent rétractés, rendant public le déshonneur pour l’ensemble de la communauté scientifique. Hwang, comme on l’a dit, fut destitué de son poste. Bref, il n’y eut pour ceux qui vécurent cette affaire aucun problème d’éthique. Il y eut une évidence partagée : ces chercheurs avaient fraudé, la fraude est inexcusable, elle appelle la sanction (à savoir, l’exclusion de la communauté scientifique). Ce qui est intéressant dans cette affaire n’est donc pas la discussion éthique, c’est la façon dont la fraude a été détectée.

5.2   
Les revues scientifiques de haut niveau s’appuient le plus souvent, pour détecter les manquements à l’éthique professionnelle en même temps que les faiblesses dans l’argumentation scientifique, sur le jugement expert de deux (ou quatre) referees . Ici les referees avaient accepté les articles pour publication. Ils n’avaient donc rien détecté de suspect. Les papiers étaient rédigés dans toutes les règles de l’art, les Coréens ayant bénéficié de l’aide d’excellents traducteurs américains. La revue avait, pour le second article, demandé l’envoi d’un nouveau jeu de photos, la première manquant de netteté, mais l’éditeur en chef de Science en attente des photos avait déclaré qu’il faisait pleine confiance aux auteurs. La révélation de la fraude est venue d’abord d’une fuite, ensuite d’un acharnement médiatique, enfin d’un minutieux travail artisanal. La fuite venait d’un informateur qui avait travaillé dans le laboratoire du Pr. Hwang, et qui a contacté un journaliste de la chaîne de télévision coréenne MBC en lui laissant entendre qu’il y avait doute sur l’authenticité des données alléguées, et que cela méritait investigation. Les journalistes de la chaîne se ruèrent sur le cas, arrachèrent un aveu à celui des signataires qui avait truqué les photos, et furent menacés de sanctions disciplinaires pour manquement à l’éthique du journalisme, parce qu’ils avaient maltraité ce témoin. Mais la rumeur d’un bricolage des photos arriva jusque sur le site web du BRIC (Biological Research Information Center), fréquenté par de jeunes chercheurs ou étudiants en biologie. Ces jeunes Coréens, virtuoses de l’exploration sur le web , se lancèrent de façon presque ludique à la recherche de toutes les publications des membres de l’équipe Hwang, les comparant, repérant les doublons, scannant les clichés; ils mirent en évidence de nombreux trucages et duplications : photos retouchées, résultats arrangés. Ce sont eux qui apportèrent les preuves de la fraude.

5.3 
Le journal Nature avait lui aussi accepté de publier un article de l’équipe Hwang (relatant le clonage d’un chien [21] ).Après s’être assuré que cette publication-là n’était pas mensongère, Nature consacre début 2006 un éditorial à l’évaluation des travaux scientifiques candidats à la publication [22] . Il rend hommage aux jeunes Coréens qui ont exercé leur esprit critique sur les travaux publiés de l’équipe Hwang, et les crédite d’avoir plus ou moins réinventé le système adopté par les physiciens : mettre en ligne les articles sur un site web où ils sont directement exposés à la lecture et à l’appréciation critique de toute la communauté des physiciens. Mais, argumente Nature , la biologie fonctionne avec un autre système, celui du filtrage par les pairs ( peer review ), et puisque ce système a dysfonctionné pour les papiers publiés par Science , il faut réfléchir aux façons de l’améliorer. Les referees auraient pu, par exemple, demander à Hwang des empreintes de l’ADN mitochondrial des cellules ‘clonées’, voire des échantillons de ses lignées cellulaires (lorsqu’ensuite on en a demandé à Hwang, il a répondu qu’elles avaient été détruites, ou abîmées par des contaminations...).

5.4 
On peut aussi tenter de fournir une aide au travail des referees . Jugeant que le plagiat est une fraude fréquente, et particulièrement le plagiat de soi-même ( self-plagiarism  : publication dans un second journal, sous un titre différent et avec des retouches mineures, d’un article original déjà publié dans un premier journal), des éditeurs scientifiques se sont unis pour créer une base de données, nommée CrossCheck , où ils versent tous les manuscrits soumis pour publication. Ces manuscrits sont soumis à des tests de détection de plagiat. Les éditeurs sont avertis des résultats positifs du test. Nature consacre à cette entreprise un éditorial et un article récents [23] , où il est souligné que : 1) la détection informatique est une aide, et non un substitut au jugement humain, 2) lorsque des similarités sont détectées entre deux articles, il reste aux experts à décider lequel a copié l’autre, si c’est excusable, ou explicable, et cela peut compliquer leur travail au lieu de le simplifier. On retiendra de cette section que la fraude en milieu scientifique ne pose aucun problème d’éthique : elle est sanctionnée sans hésitation. Le problème est qu’elle soit avérée.

Les causes. La compétition aggrave-t-elle la fraude ?


6.1 
Pourquoi des chercheurs, dont toute la raison d’être est de découvrir le vrai, sont-ils amenés à tricher? On a invoqué le conflit d’intérêts, l’hybris, le cynisme, le goût du pouvoir, le conservatisme de l’âge, qui peuvent aveugler même des chercheurs de qualité. Mais il faut en même temps se rendre compte que la fraude nuit à son auteur. A l’intérieur de la communauté scientifique, au minimum le fraudeur se déconsidère, au pire sa carrière est ruinée ; aucun chercheur ne peut vouloir cela. En conséquence, ou bien le fraudeur ignore qu’il triche, ou bien s’il en est conscient il croit que le risque d’être démasqué est négligeable par rapport à l’avantage que donne la tricherie. Un risque se définit comme une probabilité pondérée par une gravité. Le risque sera jugé négligeable si la probabilité d’être démasqué est faible, ou si la sanction encourue est bénigne. Cela mène à distinguer entre des fraudes scientifiques petites et grandes. Les petites fraudes (calcul approximatif, optimisation d’un diagramme, retouche d’une image), si elles sont relevées par des referees , peuvent passer pour de simples erreurs, ou pour des artifices de présentation destinés à faciliter la compréhension du lecteur, à condition que leur correction ne modifie pas l’essentiel du message que l’article vise à faire passer. Les grandes fraudes ne peuvent être délibérément choisies que si la probabilité de leur détection est extrêmement faible ; sinon, on doit se dire que le chercheur qui fraude gravement est inconscient ou irresponsable. Il en va différemment si le chercheur qui fraude s’adresse à un public hors la communauté scientifique. Les rumeurs se propagent vite, les gens tendent à les croire, par exemple les malades en impasse thérapeutique sont vulnérables à des promesses dont ils ne peuvent guère juger la fiabilité, et dans ces conditions les fanfaronnades de faux savants, même démenties par des scientifiques plus sérieux, peuvent assurer aux tricheurs une relative sécurité et des profits considérables [24] .

6.2 
La fréquence de la fraude scientifique est-elle en augmentation [25] , comme on le lit parfois, même dans des journaux tout à fait sérieux ? Et si elle l’est, pourquoi ? L’explication la plus courante est que l’augmentation du nombre des chercheurs, les pressions exercées sur eux pour qu’ils obtiennent des résultats, l’ambiance compétitive dans laquelle ils travaillent («  publish or perish  »), la course au financement, la mondialisation de la publication scientifique dominée par l’anglais, font que les chercheurs (et en particulier les plus jeunes) sont acculés à une certaine forme de tricherie légère (‘optimisation’ des résultats) s’ils veulent être remarqués et sortir du lot commun. Rien n’est moins sûr. D’abord, il existe beaucoup de métiers plus durs et plus compétitifs que celui de chercheur. Ensuite, comme on l’a vu, les conséquences de la triche peuvent être catastrophiques pour l’avenir du tricheur.Enfin, le mensonge est une banalité dans les relations entre humains, même après que Kant [26] ait démontré que c’est une conduite intrinsèquement contradictoire, puisque pour mentir efficacement il faut être cru ; et pour que la parole humaine soit crue, il faut que « ne pas mentir » soit une convention stricte. La malhonnêteté d’un scientifique étonne plus que la malhonnêteté d’un politique, d’un commerçant ou d’un banquier, justement parce qu’elle est plus rare ; elle est plus rare parce que sa profession met le scientifique au service du vrai, ce qui devrait en principe exclure la malhonnêteté. Mais peut-on vérifier que la fraude scientifique est réellement en augmentation ? Il faudrait dénombrer les cas, année par année. Les cas non détectés, par nature, ne sont pas dénombrables.Le lancement du service CrossCheck a permis de faire des sondages, qui donnent des résultats dispersés (selon les journaux, entre 6% et 23% d’articles éliminés pour suspicion de plagiat [27] ). Encore ne s’agit-il que d’un seul type de fraude, consistant à recopier des morceaux d’articles déjà publiés ou en voie de l’être.

6.3 
Il y a eu des enquêtes auprès des chercheurs. Deux correspondants de Nature font état d’une de ces enquêtes, lors de laquelle 2% des scientifiques interrogés auraient admis avoir été malhonnêtes au moins une fois au cours de leur carrière. Ce pourcentage paraît faible, mais sur les quatre cent mille chercheurs payés sur fonds fédéraux aux États-Unis, notent ces observateurs, cela fait quand même 8000 personnes. Ils poursuivent en disant que sur la base de six études, il apparaît qu’un chercheur sur trois admet recourir à des pratiques, sinon frauduleuses, du moins discutables (analyse biaisée, surinterprétation des données, modification du plan d’expérience en cours de route).Ils militent pour que les institutions de recherche développent des programmes d’éducation en RCR («  responsible conduct of research  »), et ils prônent des sanctions financières : «  to be taken seriously, standards of ethical conduct must be linked to funding [28]  »; autrement dit, ceux qui se conduisent bien recevront davantage d’argent. D’autres correspondants de Nature témoignent d’une étude qu’ils ont menée aux Etats-Unis auprès d’un large échantillon de chercheurs (2599 réponses utilisables), auxquels il était demandé de dire 1) s’ils avaient eu connaissance de fautes de conduite (volontaires ou non) dans leur environnement professionnel, 2) s’ils étaient intervenus auprès des collègues pour tenter de les amener à rectifier leur attitude, 3) et comment les choses avaient finalement tourné.Les résultats de cette étude sont assez peu encourageants [29] . Certes, plus de la moitié des chercheurs qui constatent une faute tentent d’intervenir, mais une fois sur deux ils en pâtissent (le « redresseur de torts » est mal perçu, et mal traité). Ces observateurs sont d’avis que c’est aux institutions, plutôt qu’aux individus, à veiller au respect des standards de bonne recherche.

Les remèdes : réformer la formation des chercheurs ?


7.1 
Il est un point sur lequel tout le monde semble s’accorder depuis des années : le niveau des étudiants accueillis à l’université pour des études scientifiques est déplorablement faible [30] et, facteur aggravant, ces jeunes gens ont été élevés dans une ambiance de tricherie généralisée [31] . Ils trouvent normal de se passer les solutions des problèmes par téléphone, et de recopier sur le web des textes entiers sans en indiquer la référence. Il faut réagir ! De l’avis de tous, la réaction s’appelle essentiellement « éducation ». Afin de prévenir la fraude, il faut former des chercheurs responsables, et fiers de faire du travail propre.Ensuite, il faut encourager le respect des règles éthiques en montrant qu’il en est tenu compte dans l’attribution des crédits de recherche [32] .

7.2 
Faut-il comprendre que des cours de morale vont être introduits dans les cursus scientifiques ? Ou qu’on va généraliser à toutes les disciplines la règle que les médecins s’imposent depuis une trentaine d’années : tout protocole de recherche concernant des sujets humains doit, avant d’être exécuté, avoir reçu un avis favorable non seulement d’un comité scientifique, mais aussi d’un comité d’éthique ? La communauté scientifique, dans son ensemble, manque d’enthousiasme à l’idée qu’un enseignement d’éthique pourrait être imposé aux étudiants de sciences ; elle tend à penser que l’intégrité des chercheurs est un problème interne à la science, et qu’il suffit d’apprendre aux jeunes à faire de la bonne science.On a même signalé ici et là que les tentatives pour introduire dans les universités scientifiques des enseignements ‘humanistes’ (éthique, histoire des sciences, sociologie) se heurtaient à un « lobbying tenace » [33] des scientifiques professionnels, argumentant que ces jeux culturels sont une entrave à l’efficacité de la recherche. A ces arguments il est répliqué que le financement de la recherche étant très largement assuré par les contribuables des divers pays, ceux-ci peuvent légitimement exiger que les chercheurs fassent un travail propre. Exiger par quels moyens, et à quel niveau ? La propreté du travail peut difficilement être jugée par d’autres que par les experts scientifiques eux-mêmes.

7.3 
Du reste, sensibiliser les consciences individuelles est de peu d’effet si le milieu de travail est malsain. Des cours d’éthique sont-ils réellement efficaces pour convaincre les étudiants chercheurs de rester intègres ? Les études de cas sont jugées les moins ennuyeuses. Elles provoquent la discussion et incitent à réfléchir. Mais au sortir de l’école, lorsqu’on fait partie d’une unité de recherche, l’ambiance de l’unité influe sur l’auto-discipline de chacun. Les promoteurs de la RCR convergent donc vers l’idée qu’il faut responsabiliser les institutions de recherche. Ce sont les universités et leurs présidents qui vont afficher les règles de bonne conduite, et induire une fierté collective d’appartenir à une université propre. Les grands établissements de recherche s’honoreront de faire partie d’une élite mondiale de la RCR, ils publieront leur charte d’éthique... C’est ce qu’ils font déjà. Voir à titre d’exemples la Charte d’éthique des Instituts Pasteur, les Rules of good scientific practice des Max Planck Institutes, ou la publication de l’Académie nationale des Etats-Unis : On Being a Scientist : Responsible Conduct in Research , etc..

Références


Bibliography


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Whitehead Alfred North, Process and Reality. An Essay in Cosmology, 1929; corrected edition by D.R. Griffin & D.W. Sherburne, New York: Free Press, 1978.

Footnotes


Note 1
Kritik der reinen Vernunft , 1781 ; seconde édition 1787 ; tr. fr. Critique de la raison pure , Préface de la seconde édition, in : Oeuvres philosophiques , vol. 1, p. 748 (III, 19).


Note 2
Sur les limites de ce type d’approche, voir les réflexions du mathématicien et philosophe Alfred N. Whitehead, in : Process and Reality , Part II, ch III, Section III, p. 92-96.


Note 3
Voir aussi : Saint-Sernin Bertrand, ‘Crises et révolutions scientifiques selon A.-A. Cournot’, Revue de Métaphysique et de Morale , 1993, 98 (3) : 331-346.


Note 4
Ce qu’on appelle « WEIRD » : « western, educated, industrialized, rich, democratic ». cf. Science , 25 June 2010, 328 : 1627 ; et Nature , 01 Jul 2010, 466 : 29.


Note 5
Nature , 24 Jun 2010, 465 : 997 ; Nature , 01 Jul 2010, 466 : 7-8 ; Nature , 8 Jul 2010, 466 : 167.


Note 6
Voir : Newton, op. cit. , General scholium , p. 547, & Appendix, note 55, p. 671-676.


Note 7
Voir : « Stéréotypes culturels et ‘neutralité’ scientifique », in : Andler et al. , 2002, vol. 1, ch. 2, p. 210-216. Gilbert Simondon avait noté que la confrontation aux exigences du réel libère le chercheur des préjugés culturels : voir la ‘Note complémentaire sur les conséquences de la noti on d’individuation’, ch. 2, § 1 et 2, in : 1958, repr. 2005, p. 511-516. Les conclusions de Gilbert Hottois vont dans le même sens : Hottois, 2005, p. 27-31.


Note 8
Nature , 01 Jul 2010, 466 : 17.


Note 9
Voir le chapitre sur « La construction intersubjective de l’objectivité scientifique », in : Andler et al., 2002 (vol. 1, ch. 2, p. 129-225).


Note 10
Noter qu’on laisse ici de côté le cas de l’espionnage scientifique et technologique.


Note 11
Ce cas est exposé par : Tim Wogan, ‘A chilling effect ?’, Science , 11 June 2010, 328 : 1348-1351. La Food and Drug Administration a ultérieurement stipulé que, par précaution, l’usage de ce produit est contre-indiqué pour les personnes atteintes d’insuffisance rénale. Mais le journal signale que, suite aux menaces de poursuite en diffamation, dans les congrès scientifiques les effets fâcheux tendent à être rapportés discrètement dans les couloirs, et non publiquement lors des séances.


Note 12
Travis John, ‘After legal threat and legal delay, paper on psychopathy to appear - maybe’, Science , 11 Jun 2010, 328 : 1350.


Note 13
Davenas E, Beauvais F, Amara J, Oberbaum M, Robinzon B, Miadonnai A, Tedeschi A, Pomeranz B, Fortner P, Belon P, Sainte-Laudy J, Poitevin B, Benveniste J, Nature , ‘Human basophil degranulation triggered by very dilute antiserum against IgE’, Nature , 30 Jun 1988, 333 : 816-818.


Note 14
Maddox J, Randi J, Stewart W, “High dilution” experiments a delusion, Nature , 28 Jul 1988.


Note 15
Hwang Woo-Suk et al., ‘Evidence of a pluripotent human embryonic stem cell line derived from a cloned blastocyst’, Science, 12 Feb 2004, online; 303: 1669-1674. Erratum, 16 Dec 2005; Retracted, online 12 Jan 2006; in print 20 Jan 2006. Hwang Woo-Suk et al., ‘Patient-specific embryonic stem cells derived from human SCNT blastocysts’, Sciencexpress , 19 May 2005, online; Science , 308: 1777-1783. Erratum, 16 Dec 2005; Retracted, online 12 Jan 2006; in print 20 Jan 2006.


Note 16
Seoul National University Investigation Committee, Final Report on Professor Woo Suk Hwang’s Research Allegations , Seoul, 10 Jan 2006.


Note 17
Takahashi K & Yamanaka S, ‘Induction of pluripotent stem cells from mouse embryonic and adult fibroblast cultures by defined factors’, Cell , 2006, 126: 663-676.


Note 18
Outre des articles célèbres comme : ‘Recherches quantitatives sur l'excitation électrique des nerfs traitée comme une polarisation’, J Physiol Pathol Gen , 1907, 9: 620-635, Louis Lapicque (1866-1952) a publié plusieurs livres, dont La machine nerveuse , Paris, Flammarion, 1943 (Bibliothèque de philosophie scientifique).


Note 19
David Orr, in : Nature , 29 Jul 2010, 466 : 565.


Note 20
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (en anglais IPCC : Intergovernmental Panel on Climate Change), créé en 1988 par l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), a publié en 2007 son 4 e rapport de synthèse, assorti (comme pour les rapports précédents) d’un Résumé à l’intention des décideurs ( Summary for policy makers ). La rédaction du 5e rapport, prévu pour 2014, a été mise en route ( Nature , 01 Jul 2010, 466 : 13. Sur le plan économique, les efforts à faire pour tenir compte des résultats affichés par le GIEC sont analysés dans le rapport rédigé par Nicholas Stern à la demande du gouvernement britannique ( Report on the Economics of Climate Change , 2006). La méthodologie du GIEC, mise en cause par les climato-sceptiques, a été ré-examinée par plusieurs commissions indépendantes et lavée de tout soupçon de manipulation des données (Nature, 01 Jul 2010, 466 : 7, 24-26 ; 08 Jul 2010, 466 : 165, 170). La commission néerlandaise, après correction d’erreurs de détail, conclut même que ce rapport est ce qu’on peut faire de mieux en l’état actuel des connaissances (Netherlands Environmental Assessment Agency, Assessing an IPCC Assessment : an analysis of statements of projected regional impacts in the 2007 report , voir go.nature.com/wN2TxX). Tous les rapports cités sont consultables en ligne.


Note 21
Lee Byeong Chun et al. , ‘Dogs cloned from adult somatic cells’, Nature , 4 Aug 2005, 436: 641.


Note 22
Editorial. ‘Standards for papers on cloning’, Nature , 19 Jan 2006, 439 : 243.


Note 23
Editorial. ‘Plagiarism pinioned’, et News. ‘Journals step up plagiarism policing’, in : Nature , 08 Jul 2010, 466 : 159-160 et 167.


Note 24
Voir Nature , 27 May 2010, 465 : 403 ; Nature , 24 Jun 2010, 465 : 997 ; Nature , 01 Jul 466 : 7-8.


Note 26
Kant Emmanuel, ‘Sur un prétendu droit de mentir par humanité’, 1997, in : Oeuvres philosophiques , vol. III, p. 435-441 (VIII, 423-430).


Note 27
Chiffres rapportés dans Nature , 8 Jul 2010, 466 : 167.


Note 28
Titus Sandra (Office of Research Integrity, DHHS, USA) & Bosch Xavier (Médecine interne, Barcelone, Espagne), ‘Tie funding for research integrity’, Nature , 22 Jul 2010, 466 : 436-437.


Note 29
Koocher Gerald (Simons College, Mass., USA) & Keith-Spiegel Patricia Ball State University), ‘Peers nib misconduct in the bud’, Nature , 22 Jul 2010, 466 : 438-440.


Note 30
Aux Etats-Unis, 30% des jeunes entrant au Collège auraient besoin de cours de « rattrapage » pour pouvoir suivre les enseignement dispensés : Leshner Alan I, Malcolm Shirley, Roseman Jo Ellen, ‘Editorial. Seeking Science Standards’, Science , 28 May 2010, 328 : 1075.


Note 31
D’après Titus & Bosch (op. cit.) : « Undergraduate cheating is pervasive, with students adopting the behaviour of their peers. The millenial generation (in college since 2000) spends innumerable hours in communication with others ; sharing becomes central to their lives and this socialization teaches them how to cut and paste inappropriately or cheat on exams. Their inability to make independent decisions, along with misunderstandings about academic integrity, suggests that this generation may cheat throughout their lives, whether they are scientists, builders or bankers ». Ce jugement sévère s’appuie sur quelques références, non mentionnées ici.


Note 32
La recherche médicale le fait depuis des années, et la qualité scientifique de la recherche médicale a bénéficié très positivement de l’introduction des standards éthiques dans le format-type des protocoles. L’exemple de la médecine est donc encourageant.


Note 33
Titus & Bosch, op. cit. , p. 436.